Que se passe-t-il au Liban

Que se passe-t-il au Liban

L'analyse de Michèle Scarpa

Le pays est comme le Vésuve dans la célèbre éruption de Pompéi en 79 après JC immortalisée dans la description de Pline le Jeune : un volcan qui explose avec des effets et des répercussions imprévisibles et, surtout, inimaginables jusqu'à récemment. Ses banques mythiques sont en grande partie insolvables, la livre s'est effondrée, le chômage monte en flèche, le carburant et la nourriture se font rares, et la moitié des Libanais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le drame est tel que la Banque mondiale a déclaré que la crise libanaise pouvait être classée parmi les 3 premières crises mondiales des 150 dernières années.

La Suisse du Moyen-Orient est donc à un pas de la faillite.

Il ne reste plus qu'à invoquer Saint Charbel, patron du pays, pour sauver le Liban. Le Saint « ne laissera pas s'effondrer le Liban » et nous devons chercher en lui « le miracle de notre salut de cet effondrement total » : c'est le vœu du Patriarche maronite Béchara Raï qui ne voit désormais plus que dans le Patron (et dans l'aide de le Fonds monétaire international) la sortie de ce drame. En attendant l'intervention du FMI, mieux vaut invoquer intensément Saint Charbel.

Un proverbe libanais populaire dit : "Assurez-vous de faire vos prières, ou vous traverserez l'enfer deux fois, au Liban et dans l'au-delà." Une représentation aussi tragique du Liban nous fait réfléchir, surtout si l'on considère que le pays était, il y a encore quelques années, un modèle envié de stabilité monétaire, de dynamisme économique et de qualité de vie. Le modèle libanais a été résumé dans des think tanks spécialisés comme « un pays d'instabilité politique marquée mais d'une stabilité financière extraordinaire ».

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

La crise au pays du cèdre a des racines lointaines dans l'histoire et se déplace toujours sur un complexe de raisons internes et externes.

Du point de vue extérieur, l'absence d'un garant de la stabilité du pays, ce qui était jusqu'à la décennie avant la Syrie, l'augmentation de l'influence iranienne à travers le Hezbollah (à laquelle s'oppose par tous les moyens Israël) mais, surtout, la présence d'un million et demi de réfugiés syriens qui ont peu de chances de pouvoir rentrer en Syrie et sont donc destinés à moyen et long terme à déstabiliser le nombre de groupes confessionnels, déjà critiques.

Considérez que dans la deuxième période d'après-guerre les chrétiens-maronites étaient la majorité de la population libanaise alors qu'aujourd'hui elle doit être considérée comme une minorité par rapport aux composantes musulmanes.

Cependant, l'élément le plus critique de la crise est à identifier au niveau endogène, c'est-à-dire dans l'architecture organisationnelle de l'État. Le système politique libanais est bloqué par sa structure sectaire collusoire d'un système de corruption et d'intérêts patronaux structurels. C'est le paradoxe libanais : un État multiconfessionnel, à fort potentiel, terre d'intellectuels célèbres et de stabilité financière qui a survécu à la longue guerre civile mais, en même temps, un État affaibli par le sectarisme, par les déséquilibres économiques et sociaux, par des divisions plus profondes dans la société (les chrétiens maronites sont également divisés en interne concernant les alliances à rechercher) et une corruption généralisée. La constitution libanaise née à la suite des accords de Ta'if de 1989 aurait dû surmonter la division rigide des bureaux de l'État entre les confessions religieuses, au lieu de cela elle a reproduit le même système basé sur la division par la foi. La loi électorale, qui prévoit un taux de sièges parlementaires en faveur de chaque communauté religieuse, aggrave également le tableau extrêmement complexe. La loi électorale est déterminante pour comprendre que, bien que le président chrétien maronite Aoun ait appelé l'homme le plus riche du Liban à former un gouvernement, le milliardaire Najib Mikati, il n'y aura pas de réel changement de rythme dans la politique libanaise.

Revenons en arrière sur le film des derniers mois et partons du moment où le scénario change.

Après la chute du gouvernement Diab, dont le coup fatal a été la formidable explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 , le Liban se retrouve avec un gouvernement intérimaire puisque ni Adib ni Saad Hariri n'ont réussi à former un nouveau gouvernement. En particulier, après la brève tentative d'Adib, d'octobre à juillet, le sunnite Hariri a échoué pour différentes raisons mais, surtout, parce qu'Hariri a vu la solution de la crise libanaise dans un gouvernement technique qui surmonterait les vetos multipartites tandis que pour Aoun la solution est celle d'une voie politique entièrement libanaise.

Le 15 juillet de la même année, avec les mots « que Dieu protège le Liban », Hariri démissionne de son poste et ouvre la voie à Mikati. Le nouveau premier ministre en charge est sur le papier un bon compromis car il va essayer de composer un gouvernement le moins idéologique possible et en plus il trouve les faveurs de la France qui avec le président Macron travaille activement à sauver le pays. Mikati n'est pourtant pas une nouveauté pour la politique libanaise, deux fois premier ministre et accusé en 2019 d'avoir réalisé des gains illicites grâce à des prêts immobiliers, il est l'incarnation de ce système contre lequel les gens manifestent dans les rues depuis des années en criant "killun y'ane killun »ou« tout le monde veut dire tout le monde ». Tout a le goût du « tout change pour que rien ne change » : comme chacun des gouvernements précédents, la solution proposée par la politique est toujours de poursuivre ses propres intérêts plutôt qu'un véritable changement revendiqué haut et fort par le peuple et dont le pays a désespérément besoin.

Quelle solution alors ?

Évidemment, la voie la plus logique serait celle des réformes institutionnelles mais le problème à résoudre est de savoir qui doit (ou peut) les faire. De plus en plus d'observateurs voient désormais la seule possibilité dans l'intervention de la communauté internationale : si vous ne parvenez pas à sortir du bourbier par vos propres forces pour éviter la faillite, vous devez déléguer la tâche à d'autres. L'identification des acteurs extérieurs est fondamentale puisque les grands États protecteurs des confessions du pays se déplacent sur le petit État libanais : les chiites ont l'Iran comme référence, les sunnites historiquement liés aux monarchies du Golfe commencent désormais à être pris en compte par la Turquie tandis que les Maronites sont historiquement protégés par la France avec Israël observateur extérieur attentif. Pour que le Liban ne se retrouve pas déchiré dans des guerres interconfessionnelles sanglantes comme par le passé, il convient de rechercher une solution qui respecte ce que le Patriarche Béchara Raï appelle la « neutralité active » qui doit conjuguer pluralisme, dialogue et suppression des ingérences des autres États. Le rêve du patriarche a été relancé par la France qui a promu une tentative de solution à travers la conférence internationale sur le Liban du 4 août 2021. Quelle que soit la solution pour aider le Liban, la rapidité et l'efficacité de l'action comptent : pour raccrocher à la métaphore initiale, le risque que les matériaux volcaniques et les cendres incandescentes libérées avec l'explosion du volcan libanais soient sur le point de retomber au sol et de recouvrir le Liban, comme ce fut pour Pompéi, est concret.

La question que se posent à ce stade les analystes politiques est de savoir si la crise actuelle peut agir comme un détonateur et transformer le Liban en un nouveau champ de bataille entre les puissances qui ont son destin entre leurs mains et qui se sont déjà récemment battues en Syrie.

On le verra à la fin des travaux de la conférence internationale parrainée par les Français, précédée d'une succession de déclarations et d'avertissements peu rassurants, comme celui du ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, qui a dit textuellement « Nous ne permettre la crise sociale, économique et politique au Liban, cela devient une menace pour la sécurité d'Israël ».


Cet article est une traduction automatique de la langue italienne d’un article publié sur le magazine Début Magazine à l’URL https://www.startmag.it/mondo/cosa-sta-succedendo-in-libano/ le Wed, 04 Aug 2021 05:45:54 +0000.