Un journaliste a été arrêté pour avoir dénoncé la coopération meurtrière entre la France et l’Égypte, qui a entraîné la mort de nombreux civils

La police française a arrêté mardi une journaliste en lien avec son reportage sur la complicité présumée de la France dans des exécutions extrajudiciaires de civils dans le désert occidental de l'Égypte entre 2016 et 2018, selon le site d'information d'investigation Disclose.

La journaliste Ariane Lavrilleux , de nationalité française, est co-auteure de la série d'investigation « Egypt Papers », publiée en novembre 2021.

L’enquête est substantielle et porte sur « l’opération Sirli », dans laquelle la France a collaboré avec l’Égypte dans des opérations initialement destinées à lutter contre le terrorisme entre 2016 et 2018, mais qui ont évolué vers des actions de lutte contre la contrebande entre la Libye et l’Égypte, entraînant de nombreuses frappes aériennes contre des civils. Le site Disclose a publié un résumé de centaines de documents secrets rendus publics.

L'opération Sirli

Le projet de la mission, baptisé opération Sirli, a été conçu le 25 juillet 2015. Ce jour-là, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense sous François Hollande, s'envolait pour le Caire en compagnie du directeur du renseignement militaire, le général Christophe Gomart. Il y a rencontré son homologue égyptien, le ministre Sedki Sobhi, dans un « contexte extrêmement favorable (…) fondé sur les récents succès des contrats d'avions Rafale et de frégates FREMM », comme le souligne une note diplomatique obtenue par Disclose. En avril, l'Egypte avait acheté 24 avions de combat Rafale et deux navires de guerre pour un montant total de 5,6 milliards d'euros.

L'objectif commun de la réunion était de sécuriser les 1 200 kilomètres de frontière avec la Libye, en proie au chaos. Le ministre égyptien a notamment évoqué un « besoin urgent » de renseignement aérien. Jean-Yves Le Drian s'est alors engagé à mettre en œuvre une « coopération opérationnelle et immédiate » dans le cadre d'une « manœuvre globale contre le terrorisme ». Il s'agirait d'une mission non officielle menée par la DRM (Direction du renseignement militaire) sur une base militaire égyptienne.

Tout cela devait aboutir à un accord technique entre les deux pays, clarifiant les objectifs de la mission et limitant l'étendue des informations partagées. Cependant, ce document n'a jamais été signé.

Début 2016, une équipe a été secrètement envoyée dans le désert égyptien occidental, une zone de 700 000 km2 s’étendant du Nil jusqu’à la frontière égypto-libyenne. L'opération Sirli était née. Elle a mobilisé dix agents : quatre militaires et six anciens militaires désormais dans le secteur privé, deux pilotes d'avion et quatre analystes employés par une société d'aviation de surveillance, CAE Aviation.

Spécialisée dans l'imagerie et l'interception de communications, la société luxembourgeoise également louée par la DRM (service de renseignement de l'armée française) CAE aviation possédait et exploitait la pièce maîtresse du système : un avion léger de surveillance et de reconnaissance Merlin III (ALSR). Le coût de location de l'ALSR, l'avion léger de surveillance, s'est élevé à 1,45 million d'euros entre juillet et décembre 2016. Cela pourrait totaliser 18,8 millions d'euros à ce jour.

En principe, la mission du détachement, baptisée « ELT 16 » pour « Technical Link Team 16 », consistait à scruter le désert occidental pour identifier d'éventuelles menaces terroristes venant de Libye. A chaque mission, les Français étaient accompagnés d'un officier égyptien chargé d'écouter en temps réel les conversations interceptées. En théorie, les données collectées devraient faire l'objet de recoupements pour évaluer la réalité de la menace et l'identité des suspects.

Bientôt, les membres de l’équipe se sont rendu compte que les informations fournies aux Égyptiens étaient utilisées pour tuer des civils soupçonnés de simple contrebande. Ils alertaient régulièrement leurs supérieurs. Pendant un an, puis deux, puis trois… en vain.

Les doutes ont d'abord surgi deux mois seulement après leur déploiement, comme l'indique un rapport de la DRM (service de renseignement de l'armée française) du 20 avril 2016. Dans cette note, l'officier de liaison prévenait ses supérieurs : les Egyptiens voulaient « agir directement contre les trafiquants ». » La lutte contre le terrorisme semblait déjà lointaine.

Quatre mois plus tard, un nouveau rapport confirme les soupçons des militaires français. Peu à peu, il est devenu de plus en plus clair pour les Français que le terrorisme n’avait rien à voir avec cela et que l’Égypte utilisait les activités françaises pour mener des opérations brutales contre la contrebande.

Selon Jalel Harchaoui, chercheur à l'ONG suisse Global Initiative Against Transnational Organized Crime, la menace terroriste venue de Libye est « largement surestimée par l'armée égyptienne afin d'obtenir des soutiens sur la scène internationale ». Depuis 2017, aucun groupe terroriste ou se réclamant d’être islamiste n’a été implanté dans l’est de la Libye. « Il n’existe quasiment aucune preuve suggérant que l’Etat islamique ou d’autres groupes utilisent le trafic de drogue pour financer leurs opérations en Libye », conclut également un rapport de l’Institut européen pour la paix publié en mai 2020.

Merlin III

« Il n’y a que des civils qui sont tués. Les terroristes ne fréquentent pas cette partie du désert, ils sont principalement concentrés dans le Sinaï, à l’extrême nord-est du pays. »

À l’été 2016, les agents de la DRM étaient sans ambiguïté : la mission présentait peu d’intérêt. D'autant que les zones de survol autorisées restent strictement limitées à l'ouest du pays, où les groupes armés sont quasi inexistants. Le Sinaï et la Libye, où la menace terroriste est réelle, leur sont interdits. Ce que déplorait un membre de l’équipe Sirli début septembre. Les terroristes étaient ailleurs, par exemple dans le Sinaï, mais cette zone était quasiment interdite à la mission française.

Pour satisfaire son obsession sécuritaire, la dictature exige toujours plus. Comme « la mise en place d’une boucle courte de transfert d’informations » entre l’avion français et la base militaire. Objectif : permettre à l’armée de l’air égyptienne d’arriver sur zone pour « soigner » la cible le plus rapidement possible. Une demande qui inquiète les militaires sur place, mais pas le directeur adjoint des recherches du département du renseignement militaire, qui accepte de réduire les délais de transmission des données collectées. Dès lors, précise l’officier auteur de la note du 3 septembre, « l’implication de l’armée de l’air égyptienne dans la destruction des trafiquants est plus visible ». La dérive de la mission de renseignement se confirme : elle sera utilisée pour cibler des véhicules civils.

Selon des documents secrets obtenus par Disclose, les forces françaises ont été impliquées dans au moins 19 attaques contre des civils entre 2016 et 2018. Ces attaques détruisant souvent plusieurs véhicules, le nombre de victimes pourrait se chiffrer en centaines. Selon les critères de la résolution 56/83 de l'Assemblée générale des Nations Unies, la complicité de la France dans ces exécutions extrajudiciaires serait ainsi établie.

La présidence de Macron

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron est élu président de la République.

Trois semaines après sa prise de fonction, le chef de l'Etat a appelé son homologue égyptien. Cet appel faisait suite à une attaque survenue quelques jours plus tôt contre des chrétiens coptes et revendiquée par Daesh. Selon le compte rendu de leur conversation, celle-ci s'est rapidement focalisée sur le partenariat militaire entre Paris et Le Caire. Emmanuel Macron a assuré à son interlocuteur qu'il était « parfaitement informé des opérations en cours » en Egypte, c'est-à-dire qu'il était au courant des attaques contre des civils.

Le lendemain, le chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, placé sous l'autorité du président de la République, recevait une note « confidentielle-défense ». Rédigé par le directeur de la DRM de l'époque, le général Christophe Gomart, ce rapport détaillé soulignait également que la plupart des pickups localisés dans le désert égyptien n'étaient pas liés à des groupes terroristes.

Le chef du DRM a ensuite souligné « l’ordre des priorités » de l’Egypte. La lutte contre le terrorisme ne figure qu'au troisième rang des objectifs de la mission.

L’ordre de priorité des partenaires est le suivant :

1 – Trafic

2 – Immigration clandestine

3 – Terrorisme

Interrogé sur ces différents points, Christophe Gomart, directeur de la DRM jusqu'en juillet 2017, a assuré que ses services « n'ont jamais fourni d'informations qui, à sa connaissance, auraient permis la destruction de civils ou l'exécution de personnes ». Il a souligné : « Si j'avais fait un tel constat, j'aurais recommandé d'arrêter la mission et de revérifier auprès des autorités égyptiennes ».

Macron, par la voix de son ministre de la Défense, toujours en 2018, avait salué les résultats et proposé d'accroître le recours à cet instrument.

Près d'un mois après cette séance d'auto-célébration, la « précision » de l'aviation égyptienne a tué trois ouvriers, dont Ahmed El-Fiky, ingénieur du Caire et père de quatre enfants.

La voiture d'Ahmed El-Fiky

Le 5 juillet 2017, Ahmed El-Fiky et deux de ses collègues – dont nous n'avons pas pu confirmer l'identité – travaillaient au bitumage d'une route à proximité de l'oasis d'Al-Bahariya, qui compte 32 000 habitants. Dans l'après-midi, alors qu'ils voyageaient à bord d'un pick-up, ils ont été heurtés par l'aviation égyptienne. L'armée a dissimulé l'accident et les causes de la mort des trois travailleurs restent inconnues…

Les attaques égyptiennes de F-16, guidées par les informations françaises, ne se sont pas arrêtées en 2018 mais se sont accélérées.

Début 2019, Emmanuel Macron et Florence Parly entament une visite officielle en Égypte. A cette occasion, le chef de l'Etat et son ministre des Armées ont été inondés de notes. L'un d'eux, rédigé le 19 janvier par la cellule Afrique de l'Elysée, a rappelé à Emmanuel Macron la « nécessité » d'un accord écrit garantissant « un cadre juridique solide » à l'équipe de terrain. Une autre, adressée à Florence Parly, l'a exhortée à mettre un terme aux dérives de l'opération.

Cependant, aucun accord n’a été signé et l’opération se poursuit dans le désert égyptien.

En novembre 2020, Emmanuel Macron décerne au maréchal Al-Sisi la Grand-Croix de la Légion de


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Esprits

L'article Un journaliste a été arrêté pour avoir dénoncé la coopération meurtrière entre la France et l'Égypte, qui a entraîné la mort de nombreux civils, vient de Scenari Economici .


Cet article est une traduction automatique de la langue italienne d’un article publié sur le site Scenari Economici à l’URL https://scenarieconomici.it/journalist-arrested-for-publishing-documents-on-frances-collaboration-in-actions-against-civilians-in-egypt-2/ le Wed, 20 Sep 2023 19:52:22 +0000.