La démographie comme variable indépendante ?

(… d'abord je l'ai écrit pour vous, puis je le leur ai lu, accompagné de slides . Le résultat m'a surpris. Vous voyez qu'ici, avec vous, je peux trouver une dimension expressive efficace. Désormais, je' je ferai comme ça la prochaine fois… )

Dans son rapport programmatique 2023-2025, le CIV ( Conseil d'orientation et de surveillance ) de l'INPS a souligné la nécessité de réaliser une « Etude sur l'impact des cotisations de sécurité sociale sur les revenus du travail en Italie, par rapport à d'autres pays européens ». Le rapport d'audit de cette année rend compte succinctement des premiers résultats de cette enquête. Un élément que le CIV (et l'auteur) juge intéressant se trouve en page. 87 du rapport de vérification :

Cela me réconforte de constater que des personnes plus compétentes que moi en la matière mettent en avant le phénomène que je vous ai illustré dans les deux posts précédents : les recettes des cotisations ont subi une baisse, et cela est en partie dû à un élément que j'avais négligé (le recours à une fiscalité générale déterminée par les cotisations de concessions : bref, la fameuse discussion des "couvertures" pour le "coupage du coin" – donc vous comprenez mieux de quoi on parle…), mais en partie à cause d'une baisse des le montant du salaire, cette baisse que nous avons documentée dans le post sur l'hiver macroéconomique :

qui est associée à une baisse des revenus de cotisations :

Cependant, l'interprétation donnée par l'INPS CIV de ce déclin, en l'attribuant sic et simpliciter à la "réduction de l'emploi", ne tient pas compte de ce qui est à mon avis le fait politique le plus pertinent de cette année, ou peut-être du Vingt ans entiers : discours de Draghi à La Hulpe le 16 avril :

En m'adressant à une institution qui est un pilier, le premier pilier, de notre modèle de sécurité sociale, il m'est impossible et il serait intellectuellement malhonnête de négliger ce qu'affirme une personnalité aussi influente sur les raisons qui ont conduit à son affaiblissement au niveau européen. niveau.

Ce que Draghi dit, en omettant certains passages, n’est pas absolument nouveau. L'étape omise est l'adhésion de l'Italie à l'union monétaire. Que cette adhésion soit un élément de discipline salariale est écrit dans les manuels (par exemple, aux pages 122 et 125 de La politique économique à l'ère de la mondialisation , de Nicola Acocella : la politique du taux de change fort sert à « contrecarrer les salaires ou les impôts » jugé inflationniste »). J'aime également citer l'hon. Fassina, qui condensait à l'époque cette vérité macroéconomique dans une phrase éloquente et véridique : « ne pouvant pas dévaluer la monnaie, le travail est dévalué » (au Servizio Pubblico, 31 janvier 2013, concept repris et développé ensuite dans Italia Oggi sur 26 septembre 2014 ).

Maintenant, le fait sur lequel je voudrais attirer votre attention est que, dix ans plus tard que l'hon. Fassina, Mario Draghi dit la même chose : la réponse européenne à une crise extérieure qui exigeait une récupération de la compétitivité a été de réduire mutuellement les « coûts » salariaux, c'est-à-dire ceux qui, du point de vue du travailleur, sont un revenu, et du point de vue de l'INPS sont une cotisation, étant donné que le produit des cotisations, comme le rappelle le CIV, dépend de la masse salariale.

La dévalorisation du travail, justement.

Ce phénomène est dans les données. Nous constatons qu'à partir de 2012, année au cours de laquelle sont entrées en vigueur les politiques d'austérité dictées par la lettre de la BCE d'août 2011 et mises en œuvre à partir du 16 novembre 2011 par le gouvernement Monti, le salaire total subit un écart à la baisse par rapport à sa tendance historique d'intensité. et une persévérance jamais expérimentée. Le caractère exceptionnel est mieux compris en « zoomant » sur 1980 :

Mais le petit ajout (pas de correction) que j'ai envie de faire, et que le président Draghi fait, au rapport de vérification, est le suivant : à la page. 87, où l'on parle de la réduction de l'incidence des cotisations sociales, il faut préciser qu'elle est une conséquence de la réduction de l'emploi et de la réduction délibérée des salaires (le terme « délibéré » est celui de Draghi : il y aurait une discussion sur qui aurait décidé mais ici je me limite à énoncer les faits).

Le phénomène est d’ailleurs visible dans les données :

(le point rouge identifie le quatrième trimestre 2011, c'est-à-dire l'arrivée de l'austérité avec le gouvernement Monti : les salaires nominaux ne reviendront aux valeurs d'avant la « cure » qu'au deuxième trimestre 2015).

Lorsqu'en août 2011 j'anticipais une évolution similaire dans les colonnes du Manifeste (la vie est étrange), on me disait : « Que dites-vous ! Les travailleurs n'accepteront jamais une baisse de salaire nominal. Tout au plus une « érosion » du pouvoir d'achat grâce à l'inflation." En fait, dès le trimestre suivant (automne 2011), nous avions les deux.

Maintenant, il faut ajouter un petit élément à ce raisonnement.

La réduction des coûts, c’est-à-dire des revenus et des salaires, est une opération qui n’a pas une énorme faisabilité politique. Pour y parvenir, nous devons créer un contexte dans lequel le pouvoir d’achat des travailleurs est affaibli : un contexte de récession. Et là aussi, les paroles du président Draghi nous aident : les politiques budgétaires délibérément procycliques (c'est-à-dire les réductions des investissements publics en période de récession) ont objectivement favorisé l'augmentation du chômage qui, comme le savent les économistes, détermine naturellement un effet de répression salariale. l'effet que nous souhaitions obtenir pour retrouver la compétitivité des prix.

C'est également dans les données.

Si l’on met en perspective l’évolution des investissements publics en Italie (données OCDE à prix courants), le tableau qui se dégage est aussi méconnu qu’impressionnant :

Rien de pareil n’a jamais été vu au cours des quarante dernières années, malgré les nombreuses crises dont beaucoup de ceux qui sont présents se souviennent certainement. On ne l'avait pas vu, car avant l'adhésion à la zone euro, ce qui impliquait le respect des règles du Pacte de stabilité et de croissance, le contexte institutionnel n'imposait pas une réponse aussi suicidaire à un choc extérieur.

Évidemment, un tel phénomène macroscopique s'est reflété dans l'évolution du PIB italien. Après tout, les salaires représentent une part du PIB, si on les considère du point de vue des revenus. Sous la double emprise de la baisse de la demande publique (baisse des investissements) et de celle de la demande privée (baisse des salaires), le PIB italien est bloqué et peine encore à revenir au niveau d'avant la crise (celui de 2007). Le phénomène est impressionnant, macroscopique et devrait être au centre de l’attention de tous les citoyens :

Un désastre similaire n’a jamais été vu dans toute l’histoire unifiée de notre pays :

Cela apparaît d’autant plus clairement si l’on considère les flux d’investissements fixes bruts, c’est-à-dire les dépenses en biens d’équipement productifs des entreprises :

et cela suffirait à lui seul à justifier la nécessité de le placer au centre du débat public. Ce sont des chiffres, ce sont des statistiques, de la Banque d'Italie, de l'ISTAT, de l'OCDE.

Le désastre provoqué par les politiques délibérées (et aujourd’hui si autoritairement décrites, voire avouées !) de concurrence à la baisse sur les salaires et les investissements publics nous concerne tous, mais je voudrais ici souligner deux aspects qui, je pense, peuvent intéresser directement ce public. , avant de formuler quelques hypothèses sur les directions à prendre pour s'en sortir.

Tout d’abord, dans le débat sur la viabilité du système de retraite, une référence constante est faite à la relation entre les dépenses de sécurité sociale et le PIB. Un indicateur dont la signification est claire et dont la pertinence ne peut être niée. Posons-nous donc une question : quelle aurait été l’évolution de cette relation si, après la crise de 2009, nous n’avions pas répondu par des politiques contraires à la croissance ? Et si la croissance nominale avait été en moyenne similaire à celle d’avant la crise ? En bref, et si les politiques délibérées d’agression contre l’État-providence ne nous avaient pas si visiblement soumis aux tendances laïques de notre système économique ?

La réponse est dans ce graphique :

Si le taux de croissance du PIB nominal était resté proche de sa moyenne historique depuis l'adhésion à l'euro (2,9 %), après le bond haussier provoqué par la récession de 2009, le rapport entre les dépenses de retraite et le PIB serait progressivement revenu vers la valeur historique proche de 14. %. L’assassinat délibéré de la croissance a conduit à une hausse persistante des valeurs au-dessus de 16 %. Il va sans dire que de tels contrefactuels ont une valeur purement descriptive : ils aident cependant à cadrer la dimension des phénomènes et en partie, à mon avis, à chercher la solution dans la bonne direction, qui ne peut être de réprimer la croissance (les salaires , investissements).

Deuxième constat. Il fut un temps où l’on parlait du salaire comme d’une variable indépendante. Une position politique légitime, un débat auquel ont participé des personnes faisant tellement autorité que je ne me sens même pas digne de les mentionner, mais aussi, avouons-le, un mantra. En moins d'un an d'expérience en tant que président d'Enti Gestori, il me semble qu'aujourd'hui le mantra est différent : celui de la démographie comme variable indépendante. Mais la démographie n’est pas indépendante de l’économie. La géologie l'est : elle place les mers et les montagnes là où elle veut, et l'économie doit s'adapter. La démographie beaucoup moins. Permettez-moi d'expliquer avec un graphique, celui des naissances en Italie à partir de 1995 (données ISTAT, intégrées de 1995 à 1999 avec les données de l'OCDE) :

Ici aussi, une fracture est évidente. Dans ce cas, ce n’est pas sans précédent : il fut un temps historique où plus d’un million d’enfants naissaient chaque année en Italie. Les dynamiques démographiques sont certes longues, mais ce qui est ici impressionnant, c’est la rapidité du renversement de tendance dans un contexte en forte reprise depuis le milieu des années 1990 jusqu’en 2010.

Sans vouloir établir un lien de causalité particulier, il faut cependant comparer l'écart des naissances à leur tendance à celui du PIB à sa tendance :

Les deux tendances se parlent certainement : affirmer qu’elles sont exogènes l’une par rapport à l’autre serait audacieux, tout comme le serait la recherche d’un lien de causalité direct et exclusif. Les facteurs sont nombreux et la relation va dans les deux sens : on peut également affirmer, du côté de l’offre, que le déclin de la population et donc du nombre de travailleurs entraîne un déclin de la production. Les techniques sophistiquées ne manquent pas pour dénouer ces nœuds et identifier le lien de causalité. Ce qui est certain, c’est que la réponse à cette orientation réside en chacun de nous, en particulier ceux qui ont eu l’opportunité de vivre dans un pays différent, plus autonome.

Je suis sur le point de conclure.

Aujourd’hui, nous sommes tous d’accord (certains avec une conviction sincère et motivée, d’autres aveuglément ) sur le fait que les politiques d’austérité ont été un échec, mais documenter dans quelle mesure, comment et pourquoi elles ont été un échec n’est, je le crains, pas un exercice inutile.

Nous sommes également tous d’accord, je le répète pour rassurer les commentateurs distraits ou malveillants, sur le fait que l’union monétaire est irréversible.

Cependant, l’honnêteté intellectuelle exige que nous soyons également d’accord sur le fait qu’avec les règles données, cela n’est pas durable, pour deux raisons :

1) parce qu’elle pose un arbitrage entre compétitivité et viabilité financière (du système de retraite, mais plus généralement de toutes les positions d’endettement) ;

2) parce qu’elle rend structurellement inutile l’adhésion au marché unique.

En effet, à quoi sert d'adhérer à un marché unique si, lorsqu'une crise mondiale survient, et que le marché unique européen sert donc de débouché à la production européenne, la seule réponse envisageable est une réduction des salaires et des investissements publics européens, c'est-à-dire en fait la stérilisation du pouvoir d'achat de ce marché, son oblitération de facto comme débouché pour l'Union ?

Comment réintroduire la durabilité dans la construction européenne ?

Je pense que la clé est de retracer le chemin que nous avons emprunté jusqu’à présent. Si les menaces qui pèsent sur la soutenabilité du premier pilier (et de bien d'autres choses, y compris toutes les positions de dette publique et surtout privée) proviennent du manque de croissance, provoqué à son tour par des coupes dans les investissements réalisés dans le respect des règles budgétaires, il faut repartir des règles budgétaires, en évitant qu'elles n'exigent une réduction des investissements dans des conditions de crise. La réforme des règles budgétaires en cours va dans le bon sens, mais il faut aussi se dire que, tout en reconnaissant et en appréciant les efforts du gouvernement italien, un effort reste encore à faire pour que la croissance revienne au centre de l'Europe. politique.

Il faut aussi se garder de l’attitude de ceux qui, pour ne pas assumer la responsabilité de choix dont les conséquences sont celles que j’ai illustrées, font aujourd’hui un clin d’œil dangereux au keynésianisme de guerre. Ce dont le pays a besoin, ce sont des œuvres de paix : des investissements dans le capital physique et le capital humain. Je souligne ce point : il n'est pas logiquement cohérent qu'un système qui attribue verbalement autant d'importance au développement du capital humain pénalise les dépenses en capital humain (éducation, santé…) en les considérant comme des dépenses courantes. Sans une règle d'or intelligemment construite, et donc « inclusive », comme on dit aujourd'hui, l'avenir de l'Union européenne est de s'enfermer sur elle-même, c'est ce rôle de trou noir de la demande mondiale qui est condamné par la logique de la dévaluation interne. .

Un avenir triste, mais moins tragique que celui vers lequel ceux qui nous conduisent aujourd'hui, dans un pays en grande partie dépourvu de routes praticables, avec des bâtiments scolaires à qualifier, avec un système de santé publique qui commence maintenant à se remettre de la saison. de coupes budgétaires, considère la construction d'armes comme la seule légitimation de l'intervention publique dans l'économie. Nous faisons preuve de la plus grande prudence à l’égard de ces thèses qui, si elles ne sont pas contestées, peuvent conduire aux prédictions auto-réalisatrices les plus catastrophiques.

Je conclus sur une note positive : les résultats obtenus par l'INPS en termes de tenue comptable, notamment du système de retraite, sont bons. Lorsqu’on les évalue à la lumière de ce que nous avons fait à notre économie, ces mesures sont miraculeuses. Survivre à une telle destruction de valeur, comme celle provoquée par une dévaluation interne, n’est pas anodin. Il convient de rendre hommage à ceux qui ont guidé et dirigé, dans divers rôles, les travaux de cette importante institution.


Cet article est une traduction automatique de la langue italienne d’un article écrit par Alberto Bagnai et publié sur le blog Goofynomics à l’URL https://goofynomics.blogspot.com/2024/05/la-demografia-come-variabile.html le Thu, 09 May 2024 19:10:00 +0000.